Article paru dans "Le Vilain Petit Canard" numéro 3 (oct/Nov/Déc 1995) par bruno BRISON
L´artiste reste détourné de tout intérêt mercantile et pécuniaire. Seuls comptent en premier son travail de recherche et sa production. La création sera pour lui un besoin intérieur, voire une nécessité vitale ou encore un but et un sens à sa vie. Dans nos sociétés actuelles, le peintre se consacrera rarement à sa seule activité picturale. Pour vivre, il occupera des emplois peu en rapport avec ses aspirations artistiques. Parfois il exercera une profession choisie et satisfaisante qui lui permettra de pratiquer en parallèle son métier de peintre. On trouve là le plus grand nombre, les semi-professionnels. Le matériel et les fournitures coûtent beaucoup dans un budget modeste. Les personnes ayant un loisir manuel qui requière des produits le comprendront aisément. De tous temps, et peut-être plus vers la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle, les artistes "démunis" ont souffert de ce manque de matériel, et parfois même cruellement. Souvenons-nous de Vincent Van Gogh, d´Alfred Sisley, d´Amedeo Modigliani, ou de Paul Gauguin qui, à l´inverse de ses confrères, quitta une situation confortable et tomba dans le dénuement total. Bienheureux tout de même, l´artiste peintre n´est pas fatalement condamné à "survivre" pour exercer son art. Il peut, avec un certain facteur de chance, se faire de son vivant ce que l´on appelle un "nom". Cela sera la réussite, le passeport pour la reconnaissance. Sans ce fameux " nom", on ne lui accordera qu´un mérite d´estime ou de complaisance. Mais si un jour il est étiqueté, catalogué, reconnu, et pourquoi pas sponsorisé, la transformation sera magique. Il ne sera plus un simple créateur, mais deviendra un maître, un génie. Il sera un placement à taux défiant toute concurrence, une valeur montante et un moyen de spéculation. Un jour, on n´achète plus ce que le tableau représente comme oeuvre visuelle, destiné à satisfaire l´imagination et la rêverie, mais ce qu´il représente en valeur commerciale, apte à glorifier un compte en banque. Un jour, seule la signature et l´authenticité de l´oeuvre ont valeur de création. Mais l´artiste véritable ne se fixera pas comme but la réussite, il se fixera la continuité de son oeuvre. Il a en lui la flamme de la création. Qu´elle devienne un grand feu ou s'étiole en une faible étincelle, jamais il ne cessera d'ĂȘtre. Et si il lui fallait un encouragement, je lui demanderais de méditer sur cet extrait de Vincent Van Gogh écrivant à son frère Théo : "....Voilà ce que nous dirons, et nous le dirons en choeur, si tu veux bien. Nous serons pauvres et nous souffrirons de la misère aussi longtemps qu´il le faudra, comme une ville assiégée qui n'entend pas capituler, mais nous montrerons que nous sommes quelque chose".